Renoncer au retour : la tristesse postélectorale des migrants vénézuéliens.

Publié le 21.08.2024
La migrante vénézuélienne Nelsy Zavala, à droite, embrasse Yeikel Mojica, qu'elle a rencontré en traversant le Tapón del Darién, dans un camp temporaire à Lajas Blancas, au Panama, le 27 juin 2024 (AP Foto/Matías Delacroix)

Lorsque Nicolás Maduro a été proclamé vainqueur des élections, José Ochoa a commencé à préparer des valises pour marcher depuis la Colombie vers les États-Unis à travers la jungle du Darién. Comme d'autres migrants, l'espoir de retourner au Venezuela s'est évanoui après les élections.

Ochoa, âgé de 38 ans, comptait sur le triomphe de l'opposition le 28 juillet pour retourner dans son État natal de Carabobo (centre-nord), quatre ans après avoir quitté le Venezuela fuyant la crise économique.

Mais au milieu des allégations de fraude, Maduro a été réélu pour un mandat jusqu'en 2031, dans un pays duquel plus de sept millions de personnes ont quitté, selon l'ONU. Parmi elles, trois millions sont arrivées en Colombie, le principal pays récepteur.

Je vais prendre le chemin vers les États-Unis (...) je ne voulais pas le faire mais c'est une dure décision”, a déclaré Ochoa à Madrid, une commune proche de Bogotá.

Il y vivait seul dans une petite chambre. Lorsque l'agence de presse AFP l'a visité, quelques jours après les élections, il avait déjà vendu son lit et un vélo qu'il utilisait pour se rendre à son travail dans un champ de fleurs.

Il avait préparé un sac à dos avec des vêtements pour affronter le voyage d'environ 15 jours.

La dirigeante de l'opposition vénézuélienne María Corina Machado a alerté sur une vague de migration sans précédent si Maduro reste à la présidence.

Après l'entretien, l'AFP a perdu le contact avec Ochoa.

Des migrants, principalement vénézuéliens, traversent une rivière pendant leur voyage à travers le Tapón del Darién de la Colombie au Panama, dans l'espoir d'atteindre les États-Unis (AP Foto/Fernando Vergara/Archivo)

Fin de l'espoir

Le jour des élections, Ochoa s'est senti “très en colère”. “Je ne dirai pas que j'ai pleuré, mais j'étais très frustré parce que nous avions tous l'espoir que cela change”, a-t-il confessé.

Malgré la pression des organismes multilatéraux et de plusieurs pays pour qu'il publie les procès-verbaux des votes, l'autorité électorale n'a toujours pas publié les résultats, invoquant un prétendu piratage du système de dépouillement.

Une victoire de l'opposant Edmundo González Urrutia aurait motivé Ochoa à rentrer chez lui et retrouver son père. Sa mère et une sœur sont mortes en son absence.

Il devra maintenant affronter les dangers de traverser le Darién, une jungle qui sépare la Colombie du Panama où opèrent des paramilitaires et des bandes de voleurs.

Pour Ronal Rodríguez, du Observatoire sur le Venezuela de l'Université du Rosario, “nous avons déjà” une nouvelle vague migratoire qui aggravera la situation humanitaire dans ce corridor inhospitalier.

En 2023, plus de 500 000 migrants ont traversé cette jungle selon des chiffres officiels panaméens, la plupart d'entre eux étant vénézuéliens.

Des migrants vénézuéliens sur les rives du Río Grande à Matamoros, au Mexique (AP Foto/Fernando Llano/Archivo)

Incertitude et impuissance

Au Brésil, Yajaira Deyanira Resplandor s'est senti “vaincue” en voyant la victoire du chavisme.

Elle était “triste, impuissante pour mon pays, pour les gens qui sont morts et ceux qui sont en prison”, a déclaré cette femme de 56 ans, qui travaille dans une usine textile et vit dans une favela à Rio de Janeiro.

Sept ans après être arrivée par voie terrestre avec ses deux filles, elle ne s'adapte toujours pas à la vie en dehors du Venezuela et désire revenir, “tant que le président sort”.

Pour William Clavijo, président de l'ONG Venezuela Global, qui soutient l'intégration des Vénézuéliens au Brésil, le résultat de l'élection a plongé les migrants “dans une situation de grande tristesse”.

“On crée de l'incertitude sur la possibilité de revenir, de pouvoir retrouver leur pays, de retrouver des vies stables, des salaires dignes”, a-t-il expliqué.

Selon des chiffres officiels jusqu'en juin 2024, près de 600 000 Vénézuéliens ont quitté et demeuré depuis 2017 au Brésil, où la langue constitue un obstacle difficile à surmonter.

Malgré le découragement, Resplandor a assuré qu'elle ne perd pas espoir. “Dieu va le faire sortir de là”, a-t-elle affirmé en référence à Maduro.

Le migrant vénézuélien Cristo Pérez, 33 ans, assis au soleil dans un camp pour migrants installé à l'extérieur de l'église de La Soledad, à Mexico (AP Foto/Marco Ugarte/Archivo)

“Mourir au Venezuela”

Alors que les gouvernements du Mexique, de la Colombie et du Brésil tentent de médiater entre Maduro et l'opposition pour résoudre la crise déclenchée après les élections, les migrants dans le sud du continent restent dans l'expectative.

Je suis ici avec l'angoisse que tout change là-bas et que je puisse revenir bientôt. Je veux retrouver ma vie au Venezuela”, a supplié Alba Olivero, 70 ans, à Montevideo.

Dans la capitale uruguayenne, Olivero ne peut toucher sa retraite de 25 dollars par mois, car le gouvernement vénézuélien a rompu en 2015 le contrat qui régissait cela.

“Dès que le gouvernement de Maduro tombé, je retournerai pour aider à la reconstruction” du pays, a-t-elle soutenu. Elle veut “vivre et mourir” au Venezuela.

(AFP)